Numérique et santé : les avancées qui révolutionnent les soins en Haute-Normandie

Face à la pénurie médicale, la télémédecine s’est imposée comme une solution durable pour garantir l’accès aux soins, notamment en zones rurales et semi-urbaines. En Haute-Normandie, les expérimentations et les dispositifs se multiplient.

• Consultations à distance : Depuis la prise en charge par l’Assurance maladie en 2018 (source : ameli.fr), de nombreux médecins généralistes et spécialistes du territoire proposent des téléconsultations, y compris dans les maisons de santé de Dieppe, Fécamp ou Louviers.
• Télé-expertise : L’Hôpital Jacques Monod (Le Havre) a mis en place la télé-expertise pour raccourcir le délai entre un acte de diagnostic et la prise de décision thérapeutique, facilitant les échanges entre médecins généralistes et spécialistes hospitaliers.
• Plateformes territoriales : Depuis 2022, Normand’e-santé pilote la plateforme régionale de télémédecine (source : Normand’e-santé). Plus de 80 000 actes de téléconsultation y ont été réalisés en 2023, soit une multiplication par trois depuis la pandémie.

Au-delà du chiffre, la téléconsultation favorise la précocité de certains diagnostics (par exemple, en dermatologie où 60 % des prises en charge peuvent être faites à distance) et rend le suivi des pathologies chroniques plus régulier, à coût maîtrisé et sans déplacement inutile.

Le Dossier Médical Partagé (DMP) a mis du temps à s’ancrer. Mais grâce à son intégration à l’Espace numérique de santé « Mon espace santé » depuis 2022, il connaît un nouveau souffle.

• En Haute-Normandie, près de 650 000 dossiers étaient actifs début 2024 (source : Assurance maladie).
• Les structures hospitalières, comme le CHU de Rouen ou les cliniques Elsan du secteur, alimentent désormais automatiquement les DMP : résultats d'examens, comptes-rendus opératoires, courriers de sortie...
• Ce carnet de santé numérique donne accès aux professionnels en cas d'urgence – un enjeu fort rappelé lors des inondations de l’Eure début 2023, quand certains patients ont pu présenter un historique de soins sans autre document à disposition.

L’ambition ici est de réduire les doublons d’examens (qui, selon la Cour des comptes, représentent 26 % de certains actes d’imagerie en France) et d’optimiser la coordination médecin-traitant / spécialistes. Le taux de consultation du DMP par des médecins de la région a progressé de 40 % en un an (source : Observatoire régional de e-santé), preuve d’une véritable appropriation.

Les applications de santé et objets connectés franchissent aujourd’hui le seuil du gadget pour s’inscrire dans le continuum du soin.

• Suivi des maladies chroniques : L’application normande DiabetesConnect, développée avec des diabétologues du CHU de Rouen, permet à plus de 2 500 patients de suivre glycémie, prises alimentaires et injections, tout en partageant leurs données sécurisées à distance avec leur équipe soignante.
• Suivi cardiaque : Le projet Cardio@home, mené à Elbeuf, permet à 300 patients post-infarctus de transmettre leurs mesures (pression artérielle, fréquence cardiaque) à une cellule dédiée – réduisant de 32 % les réhospitalisations au cours des 12 premiers mois (source : URML Normandie).
• Alertes et rappels : Plusieurs pharmacies de Seine-Maritime distribuent aujourd’hui des piluliers connectés qui, via une application, rappellent la prise de médicaments. Un test mené en 2023 à Gonfreville-l’Orcher auprès de 80 seniors a diminué les oublis de 60 %.

Outre l’autonomie offerte aux patients, ces outils facilitent le lien équipe-patient et permettent des interventions proactives en cas de décompensation ou d’oubli critique, en partie grâce au partage direct d’alertes.

La réussite d’un parcours de soins numérique passe par le travail en réseau. Les plateformes d’échange facilitent la coordination entre professionnels autour d’un patient, en particulier pour les cas complexes et les personnes âgées polypathologiques.

• PAACO : Plateforme d’Appui à la Coordination du territoire : En Seine-Maritime, la plateforme PAACO regroupe plus de 1 200 acteurs (médecins, infirmiers, pharmaciens, assistants sociaux) et permet de partager notes, prescriptions, documents sociaux et protocoles. Selon l'ARS Normandie, elle a permis de diminuer de 15 % le délai de prise en charge interstructures entre 2021 et 2023.
• Outils partagés pour le domicile : Via le projet Dom@Accueil, initié à Rouen, une vingtaine de structures d’aide à domicile se coordonnent autour de 600 personnes âgées : les alertes de chute, hospitalisations ou évolutions thérapeutiques sont signalées en temps réel, contribuant à limiter les ruptures de prise en charge.

Le numérique rend ainsi possible une prise en charge continue, crise ou suivi programmé, entre hôpital, médecine de ville et secteur médico-social.

Au-delà des outils nationaux, la région est souvent pionnière sur des projets pilotes, en lien avec ses problématiques locales.

• Imagerie médicale mutualisée : La plateforme Picardie-Normandie PACS mutualise depuis 2022 l’accès aux images médicales pour près de 30 établissements. Chaque professionnel référent peut consulter une IRM ou un scanner réalisé ailleurs dans la région.
• IA en radiologie : Le CHU de Rouen teste une solution IA d’aide au dépistage du cancer du sein, ayant déjà permis de prioriser 10 % des dossiers difficiles en mammographie lors d’une expérimentation sur 8 000 examens (source : France 3 Normandie).
• Prévention scolaire : Le projet FORMS’ENT (Formation et E-santé en milieux scolaires), porté par la Région et l’Université de Rouen, sensibilise en mode serious game plus de 2 500 lycéens à la santé mentale et au bon usage du numérique, avec émissions interactives et quiz en ligne.

La dynamique est soutenue par l’AD Normandie et l’ARS, qui financent chaque année de nouveaux projets. Depuis 2020, plus de 3 millions d’euros ont été investis dans la e-santé à l’échelle régionale (source : ARS Normandie), illustrant un choix politique fort en faveur du virage numérique.

Si le potentiel du numérique dans le parcours de soins est immense, il suscite aussi défis et vigilance.

• Lutte contre l’exclusion numérique : En Haute-Normandie, 17 % des 65 ans et plus déclarent se sentir en difficulté avec les démarches en ligne (source INSEE 2023). Les hôpitaux du Havre et de Dieppe ont mis en place des ateliers d’accompagnement numérique pour les patients fragiles. Les médiateurs de santé deviennent ici essentiels.
• Sécurité et confidentialité : Malgré les efforts, la vigilance reste de mise, comme l’a rappelé l’incident de cybersécurité ayant touché le CHU de Rouen en 2019 (attaque stoppée sans vol de données sensibles, selon la CNIL). Les initiatives régionales sont alignées sur le référentiel gouvernemental HDS (Hébergeurs de Données de Santé).
• Éthique de l’IA : De nombreux projets, notamment en radiologie, font l’objet de comités d’éthique pour valider les usages des algorithmes, former les professionnels à l’analyse critique des résultats et garantir l’absence de biais discriminatoires.

La Haute-Normandie, par son tissu hospitalier dense, sa vitalité universitaire et son engagement régional, s’impose comme un territoire d’expérimentation du soin numérique. Le défi des années à venir sera d’assurer un accès réellement universel à ces innovations, de renforcer la sobriété des outils, et de soutenir tous les usagers – patients, aidants, professionnels – dans ce nouveau paysage. Les prochaines étapes ? L’arrivée de la téléassistance, le développement de la santé connectée préventive, et la montée en puissance des pôles d’expertise locaux autour de la donnée de santé. Le numérique n’est pas une finalité, mais un levier puissant pour un parcours de soins toujours plus fluide, humain … et ancré en Haute-Normandie.